L’œuvre classique se figeait dans l’éternité de la représentation. L’artiste en tirait sa gloire. Il n’y voyait pas le piège du temps mais l’assurance d’une postérité. Ici, ce piège travaille l’artefact, le convoque à vivre et à périr, saisit le devenir, le porte à l’extrême du vital : la mort qui est aussi point de recommencement. Le sépulcre, l’auge – moment de recueillement – signifie en une théâtralité de la poussière le substrat originel d’une renaissance. Toutefois, dans le même mouvement, le temps lui-même est piégé. L’œuvre le capture, le donnant à voir dans son devenir. Le temps travaille, est travaillé dans l’œuvre : les pièges du temps. Dès lors, les pièces présentées (dans le premier état) ont une double naissance : l’artiste comme point d’origine, acte créatif. Les œuvres elles-mêmes – auto procréation – dès la première évolution du végétal, prise en charge par l’aléatoire des éléments mixtes utilisés. Double naissance et forclusion : le nom du père, le signataire n’est plus le garant (l’auteur) sinon de ce premier état de l’œuvre – se révèlent l’humilité et l’humour du semeur de troubles … à l’image de la vie : rondeur et couleur du commencement … ensuite ça arrive, se passe et ça se passe du géniteur. Se propose alors une métaphore nouvelle de l’œuvre (un nouveau changement de forme) en tant que processus: elle n’est plus le résidu, ni la démarche conceptuelle mais avant tout la genèse d’une procession biologique : de la rotondité de l’œuf aux flétrissures de la sénescence.
L’Epreuve du Temps
Cette œuvre est celle de l’altération: de la déréliction du créateur et par extension de tout égo (les Portraits : Auto-Psyché), de la grandeur et la misère des nations (les Drapeaux), de la décrépitude de la culture (Bibliothèque) et bien évidemment de la dégénérescence de la peinture : éclatée, boursouflée, craquelée par le végétal qu’elle revêt et qui se révolte. Cependant, il n’y a pas de pathos dans ce procès-verbal de la perte, pas de romantique désespoir de la chute. A l’instar des œuvres,
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nous devons faire l’épreuve du temps et non la subir – donner les preuves du temps à vivre ou vécu – celles qui ne laissent pas indemne mais écorché de vie, épuisé. C’est donc une œuvre de « gai savoir » où la santé du rire culmine face à l’inéluctable; c’est un dire oui au grand cycle, à l’éternel retour. Se propose alors une écriture parodique de l’histoire de la peinture: remise en cause de la pérennité de l’œuvre, de la représentation, rééëriture détournée des vanités classiques, des natures mortes. Mêlant le dérisoire des éléments (pommes de terre) à la dynamique du grotesque, un humour démentiel (sans ego) traverse ce travail. Pour aboutir à ce regard amusé sur la fin de la peinture que révèle l’auge « où ça tombe ». Regard de l’Ecclésiaste pour nous rappeler que « Vanité des Vanités n’est que poussière et poursuite du vent ». Cet antépénultième état de l’œuvre – qui en appelle le dernier – afin de tout recommencer: la fin du Monde.
Quand? « Demande à la poussière ! »
La Couleur du Temps
A présent la couleur – La voici mise en lumière – Précision des titres : Jaune Citron, Bleu Céréléum, Vert Printemps … Ce n’est pas la déclaration d’un chromatisme pur mais la révélation d’une dominante. Y adviennent d’autres pigmentations. Précision des titres: une dominante où jouent 23 autres couleurs – 24, chiffre emblématique, facettes d’un prisme déclinant le. temps. Le regard à présent sur la permanence. L’invariant – alpha et oméga – de la naissance et de toutes les fins où le temps est emprisonné dans sa présence même: les couleurs du temps. Là où ça perdure, venu d’un fond sans fond, après le savoir du vital – le Bio-Logos -, la peau et les couleurs – art des surfaces. Là, cette double enveloppe l’une sur l’autre devient découvrement. Il y a du « il y a » dans ,le devenir, dans l’au-delà de la mort-Présence . « Elle est retrouvée. Quoi? L’Éternité. C’est la mer allée avec le soleil ».
J.C. Molle
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Un commentaire pour “Les pièges du temps : Portraits Pastel”